Hommage à Nacer Hakkoum: Pour toi Nacer, l’homme des défis !

Pour toi Nacer, l’homme des défis !
Il est difficile de rendre hommage, d’avoir des pensées à un homme connu de tous et qui vient de nous quitter dans des circonstances dramatiques.
Ce nouveau drame, nous rappelle tous les autres vécus à travers les ans et les décennies.
49 ans, il est encore tôt pour mourir. Mais en tant que croyant, on définit cela comme étant la loi de la destinée. Il y a différentes circonstances, différents scénarios pour chaque départ. A chaque mort, il y a une explication, une cause, mais le fond reste toujours le même. C’est l’épuisement du compteur du destin, programmé pour chacun de nous dès notre naissance.
On gardera de toi, cet optimisme, cet homme fonceur, mais souriant, mais surtout un homme d’honneur et de défis.



Nacer a marché sur les pas de son père.
Moh Trice était parmi les premiers entrepreneurs dans la région. Il était parmi les premiers et l’un des rares en Algérie à se spécialiser dans les travaux d’étanchéité.
Une activité que beaucoup ne connaissent pas à cette époque.
Son père a eu ce savoir faire en France, lors de sa vie en tant qu’immigré, avant de rentrer au pays et lancer sa propre entreprise.
En évoquant son père, cela nous ramène à un autre fil de l’histoire et parmi les plus anciens immigrés du village à venir en France pour subvenir aux besoins de leurs familles.
Parmi eux, nous évoquons Da Moh Sahraoui connu sous le patronyme de Moh U Ccix que nous saluons et auquel nous souhaitons longue vie.
A chaque fois qu’on a l’occasion de se voir, nous avons ce plaisir de plonger dans l’histoire de l’immigration.
Il est venu France quelques semaines uniquement avant le déclenchement de la révolution du 1er novembre 1954.
Il était un grand travailleurs, une personne sérieuse, motivée et assidue. Il bénéficie de la confiance et de l’admiration de ses patrons et lui confie même des postes de responsabilité malgré le manque d’instruction.
Il embauchait quelconque le sollicite et avec facilité. Que ce soit parmi les gens de son village, de la région ou d’ailleurs, Da Moh aimait le travail et aimait voir les gens se mettre au travail et se battre pour s’assurer une vie digne et décente.
Parmi les gens qui travaillaient avec lui, il y a Mohand Hakkoum, dit MOH n Trice , le père à Nacer.
Il m’a cité par exemple, un chantier que leur entreprise a réalisé à Noisy-Le-Grand. C’est un grand chantier qui a donné naissance à un gigantesque centre commercial qui s’appelle Les Arcades, situé au cœur du Noisy-Le Grand Mont d’Est, dans la région parisienne.
C’était peut-être dans ce savoir-faire que Moh n Trice a eu la motivation de regagner le pays, comme beaucoup d’autres, croyant avoir affaire à un pays qui se respecte, ainsi gagner sa vie, sa famille et sa patrie.
Nacer était tout enfant lorsqu’il s’est retrouvé d’une manière directe ou indirecte ou presque naturelle plongé dans les activités de son père.
La vie d’un entrepreneur est l’une des plus difficiles au monde. On a l’habitude de ne voir que la réussite, mais rarement chercher le cheminement parcouru pour y parvenir. C’est un terrain réservé au fonceurs, aux gens patients et au courageux, car il est plein de d’embûches, de difficultés et avec un degré plus lorsqu’il s’agit d’un pays qui marche sur la tête comme l’Algérie.
C’était ainsi que Nacer grandi avec cette la culture d’un fonceur, qui ne compte que sur ses efforts, sur lui-même pour avancer au point où peut être il avait oublié sa propre personne dans cette arène de lutte quotidienne pour avancer et réaliser ses rêves.
Je me souviens lorsqu’on se retrouve loin du village et qu’on se trouve en plein conflit avec d’autres personnes et que la bagarre éclate, Nacer sera toujours au milieu.
Il était d’un courage incroyable. Si la plupart d’entre nous tentent de jouer la défensive, Nacer est toujours en offensive. Il rentre au cœur de l’anarchie et de la violence, la tête baissée, les poings bien fermés et se lance dans le combat tel un champion de boxe sur les rings.
Il ne se laisse jamais faire et ne laissera personne toucher ou porter atteinte à ses amis ou ses proches ou les gens de son village ou de sa région.
Dans ces bagarres qui éclatent souvent, sous l’effet de la folie de la jeunesse, Nacer était toujours parmi les derniers à quitter le terrain de bataille.
J’ai eu à vérifier plusieurs fois sa personnalité d’homme d’honneur, courageux au point où il m’a toujours inspiré respect et admiration et lui aussi sait bien comment être réciproque et capter ce genre de sentiments.
Un fois, il y avait un évènement à Tigzirt. Il n y avait pas de transport. C’était l’époque du sous-développement et de manque de tous les moyens. Nacer conduisait la 404 bâchée de son père. Nous étions plusieurs dizaines, mais il n’a laissé personne à Tigzirt.
Il chargeait à fond sa bâchée, dès qu’il dépose le voyage à Vuchiwan, il retourne immédiatement pour faire un autre, jusqu’à ce que tous les jeunes rejoignent le village. A la fin la célèbre bâchée est tombée en panne, du fait de la surcharge et de l’étouffement. Elle sera immédiatement envoyée au mécanicien du village. Mais Nacer en étant généreux de nature, ne compte pas, ne calcul pas lorsqu’il s’agit d’aider, de se montrer disponible et utile.
La dernière fois que je l’ai vu c’était en août dernier. J’étais surpris de le voir dans cet état. Il était ambitieux nourrit de grands espoirs d’atteindre l’un de ses plus grands rêves. Mais en contrepartie sa vie avait reçu un coup. Il est facile à comprendre que Nacer dépensais plus que ce qu’il en pouvait dans ce nouveau défi qu’il s’est lancé. Mais ses propos plein d’espoir, d’enthousiasme, la détermination m’ont font vite oublier la première image.
Je me suis garé juste à l’entrée de son chantier à Ighil pour la prise de quelques photos sur la RN72 et sur la région. A peine avoir pris une ou deux prises, voilà que Nacer arrive et avec lui plusieurs travailleurs.
Je me suis précipité pour dégager ma voiture stationnée juste à l’entrée pour leur laisser l’accès. Il descend vite, très heureux et surpris de me croiser après près de 6 ans d’absence et d’exile.
- Prend ton temps, on n’est pas pressé. Tu sais j’adore ce que tu fais, car tu essai de donner un sens à noter existence,
- Merci beaucoup, c’est un devoir et une passion en même temps, moi aussi j’admire ton esprit de fonceur et d’ambitieux
- Monte ta voiture en haut vers mon chantier, tu vas faire ton travail à l’aise, l’important qu’on va passer et déposer le matériel.
- Je te remercie, je pense qu’il suffit de la garer juste ici en bas, car je vais continuer mon périple tout le long de cette route nationale pour prendre des images de notre village et de la région.
- Comme tu veux, et moi je te propose de monter là-haut et tu vas voir que tu auras une belle vue et tu pourras prendre pleins d’images. Viens, viens, je vais te faire découvrir mon chantier, mais aussi je vais te faire monter vers le haut comme ça tu auras une excellente vue.
Nacer bien qu’on n’est pas ami proche, il y a un grand respect entre nous. Lorsqu’une occasion se présente, il aime se confier à moi, demander conseil ou renseignement ou me parler de ses projets.
Il était tout content de me faire visiter son chantier.
- Waw !, tu es en plein décollage là, de loin il parait grand, mais là de près il est immense, c’est un projet futuriste
- Oui je suis très content, je me suis battu pendant des années et des années pour le mettre sur rail. Il y a eu d’incalculables défis à relever et d’obstacles à franchir ou contourner. Mais la plus belle surprise vient avec le nouveau ministre du tourisme qui a voulu relancer le secteur et du coup, il a débloqué tous les projets au niveau national, dont le mien.
- Je suis content pour toi. Le tourisme bien planifié, bien mené est une mine d’or inépuisable. Surtout ici tu as l’avantage écologique. La vie dans les villes devient étouffante, les personnes préfèrent de plus en plus des lieux réconciliés avec les valeurs de l’écologie, la nature et le calme. C’est un projet prometteur, vas-y fonce.
- Ici dans ce grand bâtiment, il y aurait l’hôtel, le café, les espaces de réceptions. Juste en bas une grande piscine à ciel ouvert. Plus au sud, il y aurait un autre bâtiment pour un restaurant et des salles de réunions, des espaces pour enfants…etc.
Je suis resté plus qu’il en faut. J’ai fait le plein de belles prises de vue très panoramiques sur la RN 72, le village, et toute la région.
Je quitte le chantier d’espoir de Nacer pour continuer mon périple vers le bas. Je me suis dit qu’avec le mouvement en cours, le pays retrouvera le chemin du Droit, de la justice, du développement et le complexe touristique de Nacer aura toutes les chances de réussir dans une Algérie nouvelle, moderne, délivrée et réconciliée…
Mais, hélas ! hier, cette mauvaise nouvelle qui nous tombe dessus tel un éclair foudroyant a tout emporté d’un coup.
C’est comme un avion qui explose en plein décollage. Ce drame qui ne devrait pas avoir lieu a brisé net les rêves de Nacer.
Ce lieu redoutable, pour ne pas dire presque maudit, nous rappelle d’autres drames qui ont eu lieu. Il est un endroit magnifique, stratégique, mais le climat général que nous impose ce système, transforme tout ce qui est beau pour lui imposer l’image affreuse de ce régime qui conditionne et empoisonne notre existence.
En Algérie, il n y a pas d’Etat, mais un régime, une oligarchie mafieuse et sans scrupule qui utilise les moyens de l’Etat pour se maintenir, défendre leur droit de pillage et d’imposture. En face il y a un peuple livré à lui-même, qui souffre depuis 60 ans, qui tente de survivre, de s’accrocher et de se protéger face à ce régime chaotique.
C’est dans ce climat que naissent la majeure partie de nos problèmes sociaux, qui ont pour origine un climat politique abject. C’était ainsi que tout le monde se plaint et sous pression, qu’il soit simple travailleur ou entrepreneur. Pour atteindre un minimum d’objectifs dans ce pays qui tourne à l’envers et dans tous les sens, tel un bateau en perdition, il faudra laisser des plumes, fournir des efforts titanesques et se battre tel un fou.
Nacer est mort debout, en plein terrain de lutte dans cette vie.
Si on aura à classifier les humains par catégories, les bosseurs auront droit aux premières classes, car la première religion est le travail, l’effort en continu pour se faire une place dignement et peut être même aider son prochain et être utile aux autres par la création de richesses.
De lui nous garderons cette image noble, d’un fonceur, d’un homme d’honneur, qui ne recule pas face à l’injustice, qui aimait la vie, l’aventure, l’effort et les défis.
Bon voyage et repose en paix !
Ton rêve d’autres vont le poursuivre jusqu’à sa concrétisation.
Felak Yaafu rebbi
M.H pour Mayache Infos

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